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Photo du rédacteurSarah Adida

De Césarée l’antique à Nazareth de Galilée

C’est par un soleil au zénith et une chaleur écrasante, que je suis entrée par la porte des Croisades de la cité antique romaine.

« Tu verras, Qesarya (Césarée, en hébreu) est vraiment sublime ! Un véritable voyage dans le temps ! », m’avait prévenue mon amie Laura, alors que je quittais le matin même l’énergique Tel-Aviv, après un dernier café-crème sur la terrasse d’un café avenue Rotschild.

Laura n’avait pas exagéré ses propos : à chaque étape de ma visite de la cité, Césarée me dévoilait une vie antique encore parfaitement lisible et reconstituée, époustouflante de vérité.


Hérode, ou la folie des grandeurs d’un roi d’Israël


Comment cette grandiose cité est-elle née ? A l’origine, par la folie des grandeurs d’un roi de Judée : Hérode le Grand, qui régna de 37 avant J.-C. jusqu’à sa mort en 4 après J.-C. (*1)

Réputé pour sa cruauté, sa tyrannie, mais aussi pour ses gigantesques chantiers, il entreprit la construction de Césarée en hommage à Auguste, empereur romain. Cesarée, nom issu de César (titre honorifique des empereurs) devint une majestueuse ville portuaire après de longues années de construction, entre digues sous-marines et palais, théâtres et thermes. Elle fut établie capitale de Judée après la mort d’Hérode. (*2)

Disparue sous les dunes au 16è siècle, Césarée fut redécouverte grâce aux fouilles archéologiques menées dans les années 1950, mettant au jour l’un des sites archéologiques les plus impressionnants du Moyen-Orient.

Je passe tout d’abord l’entrée de l’amphithéâtre, dominant la longue piste de terre ocre, où les chars menaient les fameuses courses romaines. Je m’assieds tout en haut des bancs sculptés et incroyablement conservés. En fermant les yeux un instant, je m’amuse à imaginer le lieu rempli par la foule d’époque, acclamant les gladiateurs lors des combats. En m’avançant, je repère l’endroit depuis lequel les bêtes sauvages devaient surgir. Un saut dans le temps de 2000 ans en arrière... Mais tout au long de l’histoire de la ville portuaire, sont jalonnés des évènements dont la cité antique fut témoin, au fur et à mesure des passations de pouvoir du territoire. A l’aura puissante, le site résonne encore de son passé intense.

Face à nous, la mer méditerranée, d’un bleu aujourd’hui turquoise, éclabousse de ses vagues et contraste magnifiquement en couleurs la terre aride et limpide de la piste.

Au delà de l’amphithéâtre se trouvent plusieurs restes de maisons, bains et thermes, d’où il est étonnant de pouvoir s’imaginer encore les modes de vie des habitants de Césarée. Près de la mer, encore partiellement sous l’eau, reste un prestigieux palais retrouvé sous les eaux : le bassin au milieu témoigne de la richesse passée du bâti.

Pour terminer mon voyage dans le temps, je me dirige vers l’ancien lieu de culture de la ville, l’immense théâtre romain, qui sert encore aujourd’hui à accueillir des évènements culturels et concerts en plein air.

Le théâtre, bien que datant du 3è siècle, est intact. A l’époque comme aujourd’hui, il peut accueillir 4000 personnes !

Je demande ma route à une employée de la ville antique, dans un mauvais hébreu… Elle me réplique avec un sourire: « Vous êtes française, n’est-ce pas ? »

Echanges de rire et de sourire, la jeune femme me raconte qu’elle connaît le français puisqu’elle a grandi au… Maroc ! Elle a émigré en Israël il y a plus de 20 ans.

« Pour aller à Nazareth, m’indique-t-elle, vous pouvez prendre le bus puis le train, en passant par Haifa. Bon voyage et bonjour au Maroc ! »


En route pour la Galilée


Dédaignant les bus rarement ponctuels, je pris la décision –téméraire- de faire du stop jusqu’à Haïfa, avant de prendre le bus qui allait m’emmener jusqu’à la ville sainte chrétienne. Après quelques minutes d’attente, une voiture s’arrête, avec un jeune homme à l’intérieur, d’au plus 25 ans. Durant le court voyage jusqu’à Haïfa, je découvre une tranche de vie étonnante à travers ce jeune israélien.

« Je viens du kibboutz qui est juste à côté de Césarée », commence-t-il. « En fait, je suis né là-bas, et mes parents y vivent toujours. C’est un autre mode de vie, mais je n’ai connu que celui-là ! Je n’ai jamais encore voyagé à l’étranger… Je n’en ai pas les moyens, la vie de kibboutz est heureuse mais modeste. Je suis sorti des frontières uniquement durant mon service militaire. Un jour, je voyagerai c’est certain ! »

Arrivée à Haïfa, je prends la correspondance pour Nazareth, ayant hâte de visiter la ville de l’Annonciation. C’est par une route vallonnée que j’accède enfin à la ville, autrefois petit village juif dominé par les romains. Bien loin de cette description aujourd’hui, la ville est bien plus étendue et fréquentée que je ne m’y attendais !

Al Naasira (en arabe) ou Natzéreth (en hébreu), fut, selon le Nouveau Testament, le lieu de l’Annonciation, où l’archange Gabriel annonça à Marie qu’elle enfanterait et donnerait naissance au fils de Dieu (Luc I, 26-38). Durant les trois premiers siècle après Jésus Christ, la ville fut peuplée de chrétiens, puis tour à tour de perses convertis à l’islam, et de croisés au début du 11è siècle. Il faudra attendre le 18è siècle pour qu’elle soit à nouveau peuplée de chrétiens, et voir rebâtir des églises. Aujourd’hui, cette ville régie par les autorités palestiniennes est peuplée de musulmans en majorité, et de chrétiens.

C’est donc une population étonnamment mixte que je rencontre en arrivant.

Etals de magasins de souvenirs et symboles religieux chrétiens, musulmans, parfois juifs également… Faciès variés et laissant planer le mystère sur l’origine ethnique et religieuse des habitants.

En arrivant aux abords de la vieille ville, se trouve une unique ruelle pavée et montante, qui mène jusque dans les hauteurs de la ville. La Basilique de la Nativité, dominant les toits, se dresse là où aurait vécu Marie. Construite en hommage au lieu saint dans les années 1960, elle abrite la célèbre « grotte de l’annonciation » (*3).

Après avoir admiré l’architecture de l’église moderne ainsi que les vestiges de l’époque byzantine autour de la grotte, je me laisse aller à une balade sans plan précis dans la vieille ville, quittant les circuits planifiés des guides…


Une harmonie et un équilibre sur un fil


Dans le dédale de ruelles pavées, dont la rudesse fait instantanément replonger dans une ambiance antique, je trouve la Mosquée blanche, symbole de l’harmonie régnante -et nécessaire !- entre les communautés musulmane et chrétienne de la ville.

En parlant d’harmonie, je m’attarde à converser avec un marchand palestinien de pâtisseries, en redescendant vers la place principale de la vieille ville.

« Bien-sûr que je m’entends bien avec les chrétiens ! » me dit-il en prenant un thé en compagnie d’un de ses amis catholique.

« Nos dirigeants, les médias, aiment affirmer qu’ici, l’ambiance est tendue, qu’il n’y a et n’y aura jamais d’entente. Pourquoi ? Mais parce que ça fait marcher leurs affaires. Tout est une question de business ! » me lance-t-il avec un sourire.

Je n’ai en effet ressenti entre les habitants aucune sorte de tension, voyant souvent les chrétiens attablés avec leurs voisins musulmans.

Juste en face de la pâtisserie est affichée, sur un panneau, une phrase tirée du Coran, en anglais et en arabe:

« Nous croyons en Allah et en ce qu’il nous a révélé, ce qu’il a révélé à Abraham, Ismaël, Isaac, Jacob et leurs descendants. En ce qui a été donné aux prophètes Moïse, et Jésus, et aux prophètes de leurs dieux. Nous ne faisons aucune distinction entre eux, et nous sommes musulmans, dévoués à Lui. »

Comme un appel à l’harmonie, cette citation du Coran donne le ton de l’ambiance ressentie dans la ville, où l’entente est sous-jacente, naturelle, écrite.

Je quitte, sereine, cette ville riche d’histoire et de culture pour enfin rentrer à Tel-Aviv et, avec regret, décoller de cette terre sainte aux multiples spiritualités, histoires et cultures. C’est enrichie de rencontres, de savoirs, éblouie d’images et remplie d’énergies spirituelles que je vous envoie mes derniers mots d’Israël et de Palestine.



Seulement un au-revoir !



*1 : Hérode (73 av. J.-C – 4 ap. J.-C), est l’un des personnages les plus importants de l’époque du Second Temple de Jérusalem. Il fut placé sur le trône de Jérusalem par les romains, sous le titre de « roi des juifs ».

*2 : La construction de la cité débute en 22 av.J.-C. Durant les douze ans de travaux, Hérode fait construire un théâtre, un hippodrome, un port et introduit le culte impérial en l’honneur d’Auguste, fils de Jules César.

*3 : La Basilique de l’Annonciation est dirigée par les franciscains, ordre religieux catholique. La tradition chrétienne orthodoxe situe l’événement de l’annonciation de Gabriel à l’emplacement de la fontaine de Marie.

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