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Photo du rédacteurSarah Adida

Casa by night: Argent, sexe et faux-semblants

Connue pour ses lieux de sortie nocturne, la corniche de la ville blanche est aussi le lieu de prédilection des mâles à la recherche de femmes qui donnent leur corps contre de l'argent. Virée dans le Casa by night des amour glauques.

"Mais si, je te dis! Il faut être une "p..." aujourd'hui, pour plaire aux mecs!" Etait-ce dû au temps extraordinairement pourri en ce début de printemps, mais ma copine Lola y allait un peu fort. "Lola, t'exagères pas un peu là? Il reste quand même des types qui ouvrent les bras aux nanas honnêtes et sincères, non?".

En prononçant cette phrase à la musique étrangement dysharmonique, j'eus un goût amer prémonitoire dans la bouche, que j'avalai sans comprendre. Ce n'est qu'après ma soirée dans un célèbre établissement de Casablanca que j'en savourais consciemment toute la cruelle ironie.

C'est un fait: les relations hommes-femmes sont complexes. Ceci est aussi établi que la Lune tourne autour de la Terre. Pourtant, ces mêmes relations peuvent se complexifier davantage (était-ce encore possible?) selon les cultures et les époques. Même si parfois, à la superbe coïncidence d'une éclipse alignant parfaitement les astres, ces relations s'harmonisent et permettent de belles histoires, il faut bien admettre que l'époque que nous vivons soumet l'amour entre les hommes et les femmes à la torture.

Guillotinée, l'espérance d'une rencontre de l'autre, l'autre comme être imparfait et incomplet, mais avec qui il est dès lors possible de tout faire, de s'accomplir, de progresser ensemble, de se soutenir dans les aléas de la vie.

Brûlées vives, la confiance, l'honnêteté, la constance avec et en l'autre. Lacérés, immolés enfin, sur l'autel de l'argent, le désintérêt, "l'amour vrai", comme on l'appelle, le don de soi pur, et simple, sans calcul ni attente en retour. En une simple soirée, mon identité de femme faillit bel et bien vaciller, au gré des tourments et des tortures des liens joignant hommes et femmes, dont je fus la spectatrice atterrée.

Bref: un soir de pluie en ce début de printemps maussade, et pour oublier nos déboires amoureux, nous décidâmes avec mes collègues d'infortune de passer une soirée de danse, de rire, voire de débauche dans un célèbre établissement boulevard de la Corniche.

Les loups

A l'entrée, les portiers, devant une joyeuse bande de filles bien sapées et plutôt jolies (il faut bien le dire, non?), nous ouvrirent la porte sans tarder. Evidemment, comme je me l'étais dit par la suite, ce fut comme s'ils ouvraient la porte aux produits de consommation de base de l'établissement. Rentrez donc, mes chères petites poules! Les gros loups ventrus vous attendent avec impatience à l'intérieur...

En rentrant, le lieu offrait plutôt un abord agréable: de jolies tables étaient dressées, toutes façonnées par des abat-jours en toile rouge, donnant une atmosphère chaleureuse au départ, sulfureuse par la suite. Au milieu de la première piste de danse, se déhanchaient quelques femmes, la plupart seules. "C'est original", pensé-je. "Enfin des femmes qui osent braver la piste sans leur homme!". Je souris jaune aujourd'hui de ma douce naïveté d'alors.

Un bar assailli, composé uniquement d'hommes, tenait lieu de quartier général d'observation, situé exactement à mi-distance des deux pistes de danse.

"Il vaut mieux aller s'asseoir de l'autre côté", lança Lola, avançant presque tranquillement sous la douche de regards déjà déshabilleurs des prédateurs installés au bar. Ces hommes-là n'avaient pas un regard de prédateur "normal".

J'ai savouré, de nombreuses fois, des regards qui déshabillent, sans pour autant sous-peser, des regards qui en disent long sur le désir, le désir qui se contient mais qui monte, au détour d'une hanche ou d'une poitrine dessinée, d'une couleur de lèvres plus rouge, d'un cil qui frémit, d'une nuque qui se courbe, ou juste d'une expression et d'un feeling. Soyons clair: la femme aime plaire. L'homme aime désirer, en premier lieu.

De phéromones en énergies, de regards en gestes, ces liens qui se créent sans un mot parfois, m'ont la plupart du temps émoustillée, et de nombreuses fois émue. Mais ici, dans ce restaurant et bar, les regards de ces hommes étaient différents.

Malaise

Plus loin, nous nous installions enfin autour d'une table, avec une bonne vue sur la piste de danse. Malgré l'alcool du cocktail qui montait dans mes sens et détendait mes muscles, je sentis rapidement un malaise, en détaillant les femmes et parfois les couples formés sur la piste de danse.

Un homme plutôt (très) avancé en âge se laissait gauchement entraîner dans le rythme du dernier refrain d'Enrique Iglesias, par deux splendides créatures, qui de temps à autre, déposaient aussi maladroitement que peu sincèrement, un baiser, l'une après l'autre, sur la bouche du bonhomme aux anges. Il fallait aussi préciser que ce dernier n'était guère aussi séduisant qu'Enrique (ou même que le père d'Enrique).

Ma question naïve de prime abord fut: "C'est quoi l'embrouille?". Réponse de ma copine Lola: "L'argent. La prostitution de luxe, chérie!".

Je lançai alors un regard triste et atterré que j'adressai à l'une des deux femmes d'à peine 25 ans, d'une beauté métisse et rare, pensant "Quel gâchis...". Elle me rendit mon regard, teinté d'une légère honte, et rempli à la fois d'un vague appel à ne pas la juger. Il y a des gens, parfois, qu'on aurait eu envie de sauver.

Un peu plus loin, une jeune femme, parlant furtivement anglais avec ce qui s'apparentait à un touriste de passage, harponna ce dernier au déhanchement d'une danse. Jusqu'ici, rien de plus banal. Une fois assise auprès de sa dernière proie, son amie vint les rejoindre. L'homme, à l'aise, étendit alors son second bras autour de la seconde jeune femme, tel un sultan tranquille dans un harem. Ma foi, pourquoi pas! C'est un monde libre et libertin!

Sauf que, sans froncer le moindre cil et avec le sourire, la première prédatrice ramena vers elle le bras du nouveau Sultan, la privant tout à coup d'une exclusivité sur le porte-monnaie de son principal client de la soirée.

Des scènes et des échanges, comme ceux-ci, par dizaines, au cours de quelques heures, tel un spectacle exhibant le marché de la prostitution de luxe (ou pas!) à Casablanca. Peu importe les tarifs, peu importe les réelles pratiques. Ce qui était pourtant choquant, fut qu'il était difficile au départ de percevoir une réelle différence entre une femme célibataire cherchant un homme à son bras, et... une prostituée cherchant un bon porte-monnaie.

L'amalgame est d'autant plus facile à faire que nos compatriotes ont la fâcheuse réputation de n'être intéressées que par les hommes à "situation", qui les "entretiennent". Un rapport à l'argent douteux, qui voilerait de gris les sentiments amoureux, devenus très souvent secondaires. L'amour aurait-il disparu face à la nécessité, au matérialisme? Les femmes seraient-elles toutes fatalement à vendre?

"Pffff.... Mais pas du tout! C'est juste qu'il est quand même plus confortable d'être amoureuse d'un mec qui a une BM!", me répliqua Lola, imperturbable. "Comment ça?", demandé-je, tout en frémissant déjà en attendant son explication de jolie bourgeoise qui a tout compris à ce cirque de l'amour triste à pleurer. "Attends je t'explique: d'abord, pour dissiper tous tes soupçons, l'amour, moi j'y crois. Grave." Ouf.

"Ensuite", reprit-elle (je respire lentement en attendant le deuxième point), "je pense que l'amour peut naître avec énormément d'individus, qu'ils aient de l'argent ou pas! Donc, pourquoi t'embêter à faire en sorte de tomber amoureuse sincèrement d'un gars désossé, alors que tu peux t'éclater et tomber raide dingue d'un beau brun bien loti? Résultat: tu as le fric, le mec qui va t'épouser pour satisfaire aux apparences, et l'amour qui arrive quoi qu'il arrive, entre un homme et une femme! Pourquoi se compliquer la vie quand elle est si simple?"

"Happy" end

Raisonnement d'une logique implacable, comme venu d'un monde parallèle. Einstein et sa relativité n'auraient sans doute pas fait mieux. L'amour est donc relatif, métaphysique même, mon pauvre Albert. Reprenons et retenons la leçon: l'amour n'existe pas, même s'il faut dire au départ qu'il existe.

Donc, en prenant le problème dans l'autre sens, commençons par trouver le type qui subviendra à nos besoins les plus élevés (tant qu'à faire), puis, qui compte évidemment nous épouser (ben oui, on n'est pas là pour rigoler, quoi), et enfin, il faudra à un moment se débrouiller pour tomber amoureuse. Puisque de toute façon, l'amour existe (ou pas, c'est selon). Un jeu d'enfant, l'amour, le bonheur, le vrai!

Fin. Happy end. Finissez votre pop-corn, sans vomir s'il vous plaît. Parce que moi, en sortant de cette boîte, c'est déjà fait.


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